Réalisation des conditions suspensives hors délai : perfection de la vente
Lorsqu’un compromis de vente prévoit que la date fixée pour la réitération de l’acte n’est pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel l’une des parties peut obliger l’autre à s’exécuter, la vente est parfaite dès la levée des conditions suspensives lorsqu’aucun terme n’a été fixé pour leur réalisation. L’arrêt rapporté concerne une importante source de contentieux. Il est relatif au sort d’un compromis de vente conclu sous conditions suspensives lorsque ces dernières ont été réalisées postérieurement à la date fixée pour la réitération sous la forme authentique. Il intéressera donc particulièrement les praticiens qui interviennent dans la rédaction de ce type d’acte.
Il est ici question d’une promesse synallagmatique de vente immobilière conclue sous trois conditions suspensives stipulées dans l’intérêt exclusif des bénéficiaires. L’acte prévoyait également que la vente devait être réitérée avant une certaine date. Après le décès du vendeur, les acquéreurs, qui arguaient de la réalisation de toutes les conditions suspensives, ont mis en demeure ses héritiers de régulariser la vente sous la forme authentique. Se heurtant au refus de ces derniers, les acquéreurs les ont assignés en réalisation judiciaire de la vente.
Accédant à leur demande, la cour d’appel a estimé qu’en présence d’un accord sur le prix de la vente ainsi que sur son objet, la vente était devenue parfaite, bien que les pièces versées au débat démontrassent que les conditions suspensives avaient été levées postérieurement à la date fixée pour la réitération. La Cour de cassation observe que la cour d’appel a retenu « à bon droit » que la date fixée dans le compromis était constitutive du droit d’une des parties pouvait obliger l’autre à s’exécuter. Elle précise, en outre, qu’en l’absence d’un terme déterminé pour la réalisation des conditions suspensive, les juges du fond ont justement conclu à la perfection de la vente.

Décence du logement : appréciation souveraine des juges du fond
C’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits aux débats qu’une cour d’appel déduit que les exigences de décence d’un logement sont respectées. Par cette décision, rendue à propos du versement de l’allocation de logement sociale (conditionnée à la décence du logement, CSS, art. L. 831-3), la Cour de cassation reconnaît aux juges du fond le pouvoir souverain d’apprécier le respect (ou non) des normes de décence imposées par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.
En l’espèce, la question se posait de savoir si une yourte, un chalet et une maison mobile étaient décents et, par voie de conséquence, si la caisse d’allocations familiales était fondée dans sa demande de remboursement des sommes perçues par le bailleur au titre de l’ALS. Pour sa défense, le bailleur a tout d’abord fait valoir qu’ayant déduit cette allocation du montant du loyer et des charges, le remboursement aurait dû être demandé au preneur, allocataire. Confirmant l’analyse de la cour d’appel, la Cour de cassation ne lui donne pas gain de cause, motif pris « qu’il résulte de l’alinéa 4 de l’article L. 835-2 du code de la sécurité sociale que l’allocation ne peut être versée au bailleur que si le logement répond aux exigences prévues au premier alinéa de l’article L. 831-3 du même code ». Le second argument du bailleur consistait à prétendre que la preuve de l’indécence des lieux n’avait pas été rapportée. Bien au contraire, il estimait que les rapports produits par lui établissaient le respect des normes. Si le juge d’appel n’a pas fait droit à ce raisonnement, c’est en raison, d’une part, du caractère non probant des rapports en question, comportant des indications insuffisantes ou établis de manière non contradictoire et, d’autre part, d’un rapport accablant des services d’hygiène de la commune d’implantation (absence de gros oeuvre, réseaux et branchements électriques sans contrôle de conformité, absence de ventilation organisée, étanchéité et isolation thermique insuffisantes, installations sanitaires non conformes, évaluation globale de l’oxyde de carbone mauvaise, etc.). Se retranchant logiquement derrière le pouvoir souverain d’appréciation du juge d’appel, puisqu’il s’agit d’une question de fait, la haute juridiction rejette le pourvoi.

Promettre le renouvellement ne vaut pas renonciation à augmenter le loyer
Une promesse de renouvellement d’un bail commercial n’emporte pas renonciation à faire fixer le prix du bail renouvelé. S’il veut obtenir une modification du prix dès le renouvellement, le bailleur doit, sauf clause fixant une autre modalité de demande d’un nouveau prix, faire connaître le loyer qu’il propose dans un congé conforme.
Non contraire au statut des baux commerciaux qui ne couvre pas tous les tenants et aboutissants de la relation contractuelle, la promesse de renouvellement consentie par le bailleur à un locataire commercial interdit au premier de revenir sur son engagement. Pour autant, comme le rappelle l’arrêt de censure rapporté (rendu au visa de l’art. 1134, C. civ., ensemble, l’art. L. 145-11, C. com.), l’insertion d’une telle promesse dans le contrat ne saurait s’interpréter en une renonciation du bailleur à faire fixer le prix du bail renouvelé. Ainsi, soit le bailleur n’entend pas procéder à la réévaluation du loyer de renouvellement, et il n’a pas à délivrer de congé à son cocontractant, soit il souhaite que les conditions financières du contrat soient réexaminées, et il doit se manifester en ce sens. Quant à la forme que doit prendre cette manifestation de volonté, l’arrêt rapporté nous enseigne que, faute d’une prévision contractuelle différente, elle devra respecter le régime de l’article L. 145-9 du code de commerce, relatif au congé.
En définitive, une promesse de renouvellement interdit uniquement au bailleur de délivrer un congé emportant refus de renouvellement, avec offre d’indemnité d’éviction ou sans, sur le fondement de l’article L. 145-17 du code de commerce pour motif grave et légitime. En effet, dans ce dernier cas de figure, il a été jugé que, compte tenu de l’automaticité du renouvellement voulue par les parties, seule la résiliation pourrait être poursuivie en cas d’infraction selon le droit commun (c. civ., art. 1741), ou sur le fondement d’une clause résolutoire.