Au décès du preneur, le bail est transféré au conjoint survivant qui n’habite pas dans les lieux à condition qu’il en fasse la demande. Il ressort de la combinaison des articles 1751, alinéa 3, du code civil et 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans leur rédaction issue de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, qu’en cas de décès du locataire, l’étendue des droits du conjoint survivant sur le logement du défunt va varier selon que ledit conjoint vivait ou non dans les lieux. En effet, sauf s’il y renonce expressément, le conjoint survivant dispose d’un droit exclusif sur le local servant effectivement à l’habitation des deux époux (C. civ., art. 1751), tandis qu’il va bénéficier d’un droit au transfert du bail lorsqu’il n’occupait pas les lieux (L. 89, art. 14). La différence de régimes est sensible, puisque dans le premier cas, le conjoint survivant est titulaire d’un « droit exclusif », primant toute autre personne, tandis que, dans le second, il peut venir en concurrence avec les autres bénéficiaires énumérés par la loi (ascendants, descendants, concubin notoire, personne à charge et partenaire lié au locataire par un PACS). Et en cas de demandes multiples, l’article 14, avant-dernier alinéa, de la loi de 1989 laisse au juge le soin de se prononcer en fonction des intérêts en présence. Au cas particulier, à l’évidence, la situation relevait de l’article 14 de la loi de 1989, lors du décès du locataire, les époux étant séparés depuis… plus de trente ans. Arguant de l’automaticité du transfert du bail, le bailleur entendait obtenir de l’épouse survivante le règlement des loyers impayés depuis la date du décès et l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail. Il n’a été entendu ni par les juges du fond (Dijon, 29 nov. 2011), ni par les hauts magistrats qui conditionnent le transfert à une manifestation positive du bénéficiaire. Or, en l’occurrence, non
seulement, l’épouse n’avait pas demandé à bénéficier du transfert du bail, mais, de surcroît, elle avait autorisé le notaire et le bailleur à « débarrasser et à reprendre l’appartement ». Partant, en application de l’article 14, in fine de la loi de 1989, le bail avait été résilié de plein droit. Cette solution n’a pas pour elle la lettre du texte qui, employant le présent de l’indicatif, affirme que lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré. Qui plus est, puisque l’article 14, dernier alinéa, prévoit qu’en l’absence de bénéficiaire, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès, on aurait pu imaginer, par un raisonnement a contrario, que la même automaticité devait nécessairement prévaloir en cas de bénéficiaire éligible. On peut également relever que, sous l’empire de loi ancienne (mais le raisonnement est transposable à la loi de 1989), l’administration a précisé que la continuation ou le transfert s’opère de par le seul effet de la loi et ne requiert donc aucune manifestation de volonté (Rép. min n° 25865, JOAN Q 26 oct. 1987, p. 5966). Enfin, en 1999, la cour d’appel de Rennes a jugé qu’aucune manifestation de volonté n’est exigée (Rennes, 6 mai 1999).