Pollution : absence d’obligation d’étude de sol de l’architecte :en application de l’article 1147 du code civil, il n’appartient pas à l’architecte chargé d’une mission d’obtention des permis de démolir et de construire de réaliser des travaux de reconnaissance des sols pour effectuer un diagnostic de la pollution éventuelle ni d’attirer l’attention de l’acquéreur sur le risque d’acquérir le bien. Les problèmes liés aux risques du sol et du sous-sol devant accueillir un ouvrage sont récurrents en droit de la construction et emportent souvent avec eux des conséquences matérielles qui bouleversent l’économie du projet immobilier. Cette dimension économique a été appréhendée par la loi Spinetta n° 78-12 du 4 janv. 1978, qui met à la charge des constructeurs les vices du sol : « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère » (C. civ., art. 1792). Cependant, cette garantie ne pouvant être mise en oeuvre qu’à compter de la réception de l’ouvrage, elle n’était pas applicable en l’espèce, l’action intentée par l’acquéreur étant préalable aux travaux d’édification des ouvrages envisagés. Le droit commun de la responsabilité civile restait alors le fondement exclusif de leurs diverses actions.
En pratique, c’est le maître d’oeuvre qui va devoir attirer l’attention du maître d’ouvrage sur l’intérêt de faire procéder à une étude de sol et l’informer clairement des risques matériels, économiques et juridiques s’il refuse d’y procéder. Toutefois, l’arrêt soumis nous rappelle que l’architecte n’est contractuellement responsable des dommages subis par l’acquéreur que dans les limites de sa mission. Or, en l’espèce, le maître d’oeuvre était chargé de l’obtention des permis de démolir et de construire. C’est sur cette considération que la Cour de cassation écarte sa responsabilité, au visa de l’article 1147 du code civil, car il ne lui appartenait pas de faire procéder à des études de sol afin d’en déceler l’éventuelle pollution.
La seconde question qui se posait alors était celle de savoir s’il avait manqué à son obligation de conseil en n’attirant pas l’attention des acquéreurs sur le risque d’acquérir le bien sans recourir à des études préalables. Ici encore, les magistrats écartent sa responsabilité, l’architecte n’étant pas chargé de cette obligation de conseil lorsque sa mission est circonscrite à l’obtention d’autorisations d’urbanisme. Cette position n’est peut-être pas étrangère à la qualité de l’acquéreur, qui était, en l’espèce, une société HLM et pourrait à ce titre être considérée comme un professionnel de l’immobilier, même si cette considération ne ressort pas directement de la décision.

Expertise : évaluation fondée sur un devis vérifié par l’expert : l’expert judiciaire qui s’est exclusivement basé sur un devis réalisé par des professionnels pour fixer le prix de travaux ne méconnaît pas l’obligation de remplir personnellement sa mission, dès lors qu’il a vérifié le sérieux et le bien-fondé du chiffrage et du mode de calcul utilisés par ces derniers et se l’est ainsi approprié. Aux termes de l’article 233, alinéa 1er, du code de procédure civile, l’expert désigné par le juge doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée. Nommé intuitu personae, le technicien ne peut donc déléguer cette tache à un tiers. D’un point de vue procédural, les actes effectués en méconnaissance de cette obligation ne peuvent, en principe, valoir opération d’expertise. Toutefois, la Cour de cassation se montre parfois plus souple quant à l’appréciation de cette exigence. Il est, notamment, admis que cette disposition n’interdit pas à l’expert de se faire assister dans sa tâche par un technicien procédant sous sa responsabilité, à condition, toutefois, d’en vérifier les constatations. C’est dans cette tendance que se situe l’arrêt rendu le 10 janvier 2013 par la deuxième chambre civile.
Dans cette affaire, un couple avait sollicité les services de plusieurs entreprises afin de procéder à la rénovation d’un immeuble à usage locatif. L’une d’entre elles, spécifiquement chargée de la maçonnerie, avait fait installer un escalier, commandé par ses soins, sur lequel étaient apparues des malfaçons importantes. Saisi d’une demande d’indemnisation, le tribunal de grande instance avait ordonné, par un jugement avant dire droit, une expertise sur la base de laquelle la juridiction avait reconnu, à l’issue d’un second jugement, que les désordres affectant l’escalier relevaient de la garantie décennale. Devant la cour d’appel, la société condamnée avait invoqué la nullité du second rapport aux termes duquel l’expert estimait que la seule solution envisageable pour supprimer les malfaçons consistait en une réfection générale de l’escalier, ce qui représentait une somme conséquente. L’appelante reprochait notamment à l’expert de ne pas avoir accompli personnellement sa mission d’expertise en se basant, pour procéder au calcul du montant des réparations, sur une évaluation réalisée par des cabinets ayant travaillé pour les maîtres de l’ouvrage. Il aurait ainsi négligé d’autres solutions bien moins coûteuses.
Rejetant l’ensemble des moyens développés, la Cour de cassation confirme le raisonnement des juges du fond. Elle juge que ces derniers ont justement débouté la société de sa demande de nullité en considérant que l’expert s’était approprié la mesure réalisée par les professionnels.