L’expérience professionnelle acquise par le bénéficiaire de la reprise commence à courir non au simple jour de l’entrée en vigueur des nouveaux textes fondant la reprise et sous l’empire desquels la demande est formulée mais en tenant compte de l’expérience acquise antérieurement.
Un bailleur délivre congé à effet du 29 septembre 2011 pour reprise des terres louées au bénéfice de sa fille qui exploite un centre équestre et qui peut bénéficier du régime de la déclaration préalable. Le preneur conteste le congé et en obtient l’annulation devant les premiers juges, faute pour la candidate à la reprise de justifier d’une expérience professionnelle de durée suffisante (C. rur., art. L. 411-59, al. 3).
Le piment de l’affaire vient d’une succession de lois dans le temps : à la suite de l’intervention de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, sont réputées agricoles les « activités de préparation et d’entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l’exclusion des activités de spectacle » (C. rur., art. L. 311-1, al. 1er) et c’est seulement un arrêté du 21 février 2007, publié le 14 mars 2007, qui a fixé les coefficients d’équivalence en matière d’activités équestres (C. rur., art. L. 312-6). Ainsi, les premiers juges ont considéré que la candidate à la reprise des terres ne pouvait démontrer qu’à la date d’effet du congé, elle exploitait depuis cinq années une surface au moins égale à la moitié de l’unité de référence (C. rur., art. R. 331-1, 2°) ; au mieux la candidate à la reprise n’aurait commencé à acquérir l’expérience requise qu’à compter de la publication de l’arrêté du 21 février 2007 (d’une certaine manière, un rapprochement non formulé était fait avec une solution spéciale du droit transitoire applicable en matière de prescription, V. C. civ. art. 2222).
Le civiliste Paul Roubier a formalisé le principe de l’effet immédiat des lois nouvelles : une loi nouvelle régit soit les situations en cours de réalisation, soit les effets futurs des situations en cours. Ces vues ont été consacrées par la Cour de cassation à l’instant de considérer les situations légales (extracontractuelles). Ainsi considère-t-elle que « si sans doute une loi nouvelle s’applique aussitôt aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur […], en revanche elle ne saurait, sans avoir effet rétroactif, régir rétrospectivement les conditions de validité ni les effets passés d’opérations juridiques antérieurement achevées ». C’est la première partie de cet attendu datant de 1960 qui est rappelée en l’espèce pour casser l’arrêt de la cour de Rennes. En effet, le droit de reprise de la fi lle du bailleur était invoqué à compter du 29 septembre 2011, soit postérieurement à l’entrée en vigueur des nouveaux textes fondant la reprise. La loi nouvelle s’applique immédiatement : la bénéfi ciaire de la reprise peut se prévaloir d’une situation de fait, au titre des conditions d’application du texte nouveau, prenant date antérieurement à l’entrée en vigueur de ce texte. Aucune disposition particulière ne contrarie le jeu de la règle générale.