L’accès par un véhicule automobile correspond à l’usage normal d’un fonds destiné à l’habitation, justifiant ainsi la reconnaissance d’une servitude de passage.
En dépit de la lettre de l’article 682 du code civil, qui ne reconnaît la servitude de passage qu’au bénéfice des fonds enclavés accueillant une exploitation agricole, industrielle ou commerciale ou faisant l’objet d’une opération de construction, la jurisprudence a depuis longtemps admis qu’un droit de passage puisse être demandé quelle que soit la destination de l’héritage ne disposant pas d’une desserte suffisante sur la voie publique.
C’est en l’espèce au sujet d’un fonds à usage d’habitation bénéficiant déjà d’une servitude de désenclavement qu’était née la querelle entre le propriétaire du fonds servant et celui du fonds dominant qui ne pouvait accéder à sa maison d’habitation qu’en empruntant un escalier de quatre-vingt-dix-neuf marches.
Dès lors qu’il est de jurisprudence constante qu’un simple souci de commodité n’entre pas dans le champ d’application de l’article 682, la cour d’appel a rejeté la demande tendant à la modification de la servitude en soulignant que l’accès à la propriété reste possible moyennant certains aménagements. La troisième chambre civile casse néanmoins la décision en précisant « qu’en statuant ainsi, alors que l’accès par un véhicule automobile
correspond à l’usage normal d’un fonds destiné à l’habitation, la cour d’appel a violé [l’article 682 du code civil] ».
On rappellera à cet égard qu’il est admis que la servitude de désenclavement doit également bénéficier aux fonds à usage d’habitation et que, par conséquent, ceux-ci ne peuvent être traités différemment des autres modes d’utilisation. Or le code civil n’instaure pas une simple servitude « d’accès », mais offre au propriétaire du terrain enclavé un droit à l’exploitation normale de son héritage. Ainsi, si les juges du fond conservent un pouvoir souverain d’appréciation quant à l’état d’enclave, la Cour de cassation veille à ce qu’ils prennent en compte l’utilisation normale du fonds, laquelle évolue avec le temps, par la modification des modes de vie, l’évolution des techniques ou tout simplement le changement de destination opérée par le propriétaire du fonds dominant.
La servitude évolue elle-même en fonction des besoins nés de l’usage respectif du fonds servant et du fonds dominant. Et puisque l’article 682 du code civil précise que l’indemnité due par le propriétaire du fonds dominant doit être proportionnée au dommage généré, il va de soi que la modification de la servitude s’accompagne d’une nouvelle indemnisation lorsque, comme en l’espèce, elle accroît la gêne occasionnée au fonds servant.