homme (CEDH) revient adoption plénière espèce, une femme soutenait que de telles mesures concernant sa fille biologique emportaient violation de son droit au respect de sa vie familiale.

La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle les mesures aboutissant à briser les liens entre un enfant et sa famille ne doivent être appliquées que dans les cas où les parents se sont montrés particulièrement indignes (CEDH 21 oct. 2008, Clemeno et autres c. Italie, n° 19537/03, § 60) ou lorsqu’elles sont justifiées par une exigence primordiale touchant l’intérêt supérieur de l’enfant (CEDH 16 juill. 2002, P. C. et S. c. Royaume-Uni, n° 56547/00, § 118). Toutefois, cette approche peut être écartée en raison de la nature de la relation parent-enfant, lorsque le lien est très limité (CEDH 28 oct. 1998, Söderbäck c. Suède, §§ 30-34, Rec. CEDH 1998-VII).

Selon la Cour, la déclaration d’abandon et le prononcé de l’adoption de cet enfant constituent une ingérence dans l’exercice du droit de la requérante au respect de sa vie familiale. Elle examine donc ces mesures sous l’angle du paragraphe 2 de l’article 8 de la Convention européenne. Elle indique qu’elles sont prévues par la loi (C. civ, art. 347 et 350) et poursuivent un but légitime puisqu’elles « visent à préserver la santé et la moralité des mineurs et à protéger leurs droits, en permettant de déclarer abandonné l’enfant dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant une durée d’un an, de le rendre adoptable et de prononcer son adoption ».

Reste à savoir si ces mesures sont nécessaires dans une société démocratique. Elles ne peuvent l’être « que si elles ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts de l’enfant et de la mère, l’intérêt de l’enfant devant constituer la considération déterminante » (CEDH 19 sept. 2000, Gnahoré c. France, n° 40031/98, § 59). Il faut également que le processus décisionnel ait permis « à la requérante de jouer un rôle assez grand », explique la Cour.

En l’espèce, l’enfant, née en 2002, avait été immédiatement admise comme pupille de l’État à titre provisoire et confiée à l’Aide sociale à l’enfance, en raison de la demande de la mère de conserver le secret de la naissance. À partir de début 2003, la mère fut hospitalisée en psychiatrie à plusieurs reprises. Le juge des tutelles prononça, début 2004, son placement sous curatelle renforcée. En 2005, le tribunal de grande instance consentit à ce que l’enfant soit admise en qualité de pupille de l’État ; en 2006, il prononça l’adoption plénière de l’enfant au profit de sa famille d’accueil.

La Cour liste les rares manifestations d’intérêt de la mère pour l’enfant et qualifie leur lien familial de « ténu ». Ainsi, « la marge d’appréciation de l’État doit être considérée comme grande », estime-t-elle. Concernant la déclaration d’abandon, la Cour dit ne pas avoir trouvé « d’élément laissant supposer que la requérante aurait été empêchée par son état psychique de faire valoir ses droits, d’apprécier son intérêt, ou de manifester un sentiment maternel ». Au sujet de l’adoption plénière, elle considère « qu’une fois la déclaration d’abandon décidée, l’intérêt supérieur de l’enfant était de voir sa situation personnelle stabilisée et sécurisée par l’établissement d’un lien légalement reconnu avec sa famille nourricière, étant observé que l’enfant était alors âgée de trois ans et demi et qu’elle n’avait vu qu’une seule fois sa mère naturelle ». Elle conclut à l’absence de violation de l’article 8 de la Convention européenne.