Manque à son devoir de conseil l’assureur qui n’informe pas son client du risque d’annulation de l’exposition envisagée, même lorsque ce dernier est un professionnel de l’évènementiel assisté de son propre courtier d’assurance.
En l’espèce, une société avait conclu, le 7 novembre 2008, un contrat d’assurance afin de couvrir le risque d’annulation de l’exposition Our body. À corps ouverts, laquelle visait à présenter au public de véritables cadavres humains. A la suite de l’annulation de l’évènement par les juridictions françaises, la société assigna ses assureurs en garantie. La cour d’appel, rejetant sa demande, prononça la nullité du contrat d’assurance pour cause illicite, ce dernier ayant pour finalité de « garantir les conséquences de l’annulation d’une exposition utilisant des dépouilles et organes de personnes humaines à des fins commerciales ».
Le premier moyen du pourvoi concerne la licéité de la cause. Aux termes de l’article 1133 du code civil, la cause ne doit pas être contraire à l’ordre public et aux bonnes moeurs. Comme toute condition de validité du contrat, la licéité de la cause doit être appréciée au jour de la formation de la convention. Le pourvoi soutenait que la cause du contrat d’assurance était, en l’espèce, licite. L’annulation de l’exposition avait, en effet, été fondée, selon la Cour de cassation, sur le principe du respect dû aux cadavres posé par l’article 16-1-1, alinéa 2, du code civil. Or cet article est issu de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, inapplicable à un contrat conclu préalablement, en vertu du principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle. L’argument avait de quoi séduire. Certaines conventions ont déjà été annulées pour cause illicite sur le fondement de textes ensuite abrogés. Toutefois, c’était oublier qu’aux côtés de l’ordre public textuel, la jurisprudence admet l’existence d’un ordre public virtuel. Un contrat est considéré comme contraire à l’ordre public, même en l’absence de texte, lorsqu’il porte atteinte à un principe fondamental du droit français. Or, comme le rappelle ici la Cour de cassation, « le principe d’ordre public, selon lequel le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort, préexistait à la loi » de 2008. Dans la célèbre affaire Milhaud, le Conseil d’État avait ainsi
déjà affirmé, en 1993, que « les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine, qui s’imposent au médecin dans ses rapports avec son patient, ne cessent pas de s’appliquer avec la mort de celui-ci ». Le premier moyen du pourvoi n’était donc pas fondé.
Une cassation partielle de l’arrêt est pourtant prononcée, au visa de l’article 1147 du code civil. Le second moyen du pourvoi invoquait, en effet, une violation par les assureurs de leur obligation d’information et de conseil. Si la reconnaissance de l’existence d’une telle obligation à la charge des assureurs est classique, son intensité peut ici surprendre. Leur responsabilité est, en effet, retenue pour ne pas « avoir attiré l’attention de la société […] sur le risque d’annulation de l’exposition litigieuse », alors que la société était un professionnel de l’évènementiel, de surcroît assisté par son propre courtier d’assurance. Or la responsabilité d’un courtier avait récemment été écartée en raison de la qualité de mandataire judiciaire de l’assuré et de la présence d’un conseil professionnel du droit. La Cour de cassation semble ici vouloir reprendre une solution déjà posée à l’égard d’autres professionnels. Les notaires ne peuvent, par exemple, pas être déchargés de leur obligation
d’information et de conseil en raison des compétences personnelles de leur client. Et il en est de même des experts-comptables.