Alcool dans l’entreprise : interdiction de la prohibition discrétionnaire
Si l’employeur peut, lorsque des impératifs de sécurité le justifient, insérer dans le règlement intérieur des dispositions qui limitent la consommation de boissons alcoolisées de manière plus stricte que l’interdiction posée par le code du travail, de telles dispositions doivent, rester proportionnées au but de sécurité recherché. Aux termes de l’article R. 4228-20 du code du travail « aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail ».
En l’espèce, un règlement intérieur comportait une disposition ainsi rédigée : « la consommation de boissons alcoolisées est interdite dans l’entreprise, y compris dans les cafeterias, au moment des repas et pendant toute autre manifestation organisée en dehors des repas ». L’inspecteur du travail a estimé que cette clause du règlement intérieur devait être retirée, mais sa décision est annulée par le directeur régional du travail. Le tribunal administratif saisi par le comité d’entreprise annule pour excès de pouvoir la décision de l’autorité administrative. La cour administrative d’appel confirme le jugement. Le Conseil d’État approuve le juge du fond en ce qu’il a estimé que les dispositions « n’étaient pas fondées sur des éléments caractérisant l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque, et excédaient, par suite, par leur caractère général et absolu, les sujétions que l’employeur peut légalement imposer ». Le Conseil d’État ne permet pas de prévoir une interdiction discrétionnaire de consommer de l’alcool au sein du règlement intérieur.
L’interdiction absolue de consommer de l’alcool dans l’entreprise sans motif légitime n’est donc pas licite, ce que d’aucuns pourraient regretter. Il convient toutefois de rappeler que la consommation d’alcool n’est pas totalement prohibée par le législateur lors d’activités qui peuvent se révéler particulièrement dangereuses, comme la conduite d’un véhicule. L’entreprise n’étant pas un empire dans un empire et, au regard des textes précédemment cités, la solution ici présentée apparaît comme parfaitement fondée.

Égalité professionnelle hommes-femmes : mise en oeuvre des obligations
La loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 relative à la réforme des retraites a prévu une pénalité à la charge de l’employeur lorsque les entreprises d’au moins cinquante salariés ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle hommes-femmes, ou, à défaut d’accord, par un plan d’action fixant des objectifs de progression, des actions permettant de les atteindre et des indicateurs chiffrés (C. trav., art. L. 2242-5-1, L. 2323-47 et L. 2323-57). Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l’accord et du plan d’action sont fixées par décret.
La loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012 relative aux emplois d’avenir a, quant à elle, ajouté de nouvelles obligations légales en prévoyant que, dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, le défaut d’accord doit être attesté par un procès-verbal de désaccord et que ces plans d’action doivent être déposés auprès de l’autorité administrative. Le décret n° 2012-148 du 18 décembre 2012 d’application de ce dispositif, publié au Journal officiel du 19 décembre, vient apporter quelques précisions quant à la mise en oeuvre des obligations.
Ainsi était-il indiqué que les objectifs prévus dans les accords collectifs ou les plans d’action doivent porter, pour les entreprises de moins de trois cents salariés, sur au moins deux et, pour les entreprises de trois cents salariés et plus, sur au moins trois des domaines d’action définis par le code du travail. Le décret du 18 décembre 2012 porte ce nombre minimal de domaines d’action inclus obligatoirement dans les accords et plans d’action respectivement de deux à trois et de trois à quatre, et rend obligatoire celui de la rémunération (C. trav., art. R. 2242-2). Parmi les domaines d’action obligatoires figure, notamment, la question de la rémunération. Pour les accords et plans d’action en vigueur à la date de publication du décret, ces dispositions entrent en vigueur lors de leur renouvellement et, pour les accords à durée indéterminée, au plus tard à l’échéance triennale prévue à l’article L. 2242-5 du code du travail, imposant une nouvelle négociation.

Discrimination : communication forcée des documents relatifs aux autres salariés
Le salarié suspectant l’existence d’une discrimination peut demander au juge des référés, en amont de tout procès, d’obliger l’employeur à communiquer des documents relatifs aux autres salariés de l’entreprise afin de pouvoir comparer sa situation et, ainsi, obtenir les éléments de faits nécessaires à l’introduction d’un recours pour discrimination.
En l’espèce, deux salariées souhaitaient obtenir, par l’intermédiaire de ce juge, les documents nécessaires à la preuve des faits laissant suspecter une discrimination à leur encontre. L’employeur, condamné sous astreinte à communiquer les documents demandés par les salariées, y voit une atteinte à la « vie personnelle » des autres salariés de l’entreprise et une atteinte au « secret des affaires ». Il estime, également, que l’article L. 1134-1 du code du travail prévoit effectivement que le juge peut ordonner des mesures d’instruction pour vérifier ou compléter les éléments de preuve fournis par le salarié ou les justifications apportées par l’employeur. Mais les mesures préalables au procès ne sont pas prévues par cet article. C’est la raison pour laquelle le juge fonde sa solution sur l’article 145 du code de procédure civile, qui précise que, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
La Cour de cassation a considéré que l’injonction de produire, décidée par la cour d’appel, ne porte pas atteinte à la vie personnelle des autres salariés ou au secret des affaires, notamment parce que l’application de l’article 145 du code de procédure civile se fait dans la mesure de la légitimité et la nécessité des intérêts en cause.