Le conjoint d’une personne placée sous curatelle qui n’a pas été désigné curateur n’a pas qualité pour exercer l’action en nullité de droit des actes passés postérieurement au jugement d’ouverture par le majeur protégé ou son curateur, une telle action ne pouvant être intentée, selon les cas, que par le curateur, le majeur protégé ou les héritiers de celui-ci.
L’arrêt rendu par la première chambre civile le 5 mars 2014 permet de revenir sur la question du rôle du conjoint d’un majeur protégé qui n’est pas désigné comme tuteur ou curateur et, plus précisément, sur celle de la qualité de ce conjoint à agir en nullité des actes passés par le curateur pour le compte de l’incapable.
Dans cette affaire, une personne mariée en secondes noces allait être placée sous curatelle renforcée, sa nièce ayant été désignée en qualité de curatrice. Quelque temps après le jugement d’ouverture, une transaction destinée à régler une procédure en partage successoral devait être conclue entre les enfants de la première épouse, prédécédée, du majeur protégé et la curatrice représentant celui-ci. La curatrice avait demandé au juge des tutelles son autorisation aux fins de signature de la convention, ce à quoi le magistrat lui avait répondu que cette autorisation n’était requise qu’en cas de désaccord entre le curateur et la personne protégée.
À la suite de la conclusion de la transaction, l’épouse de l’incapable allait intenter une action en nullité de cet acte qui avait été signé par la curatrice agissant seule, cette action devant être rejetée par la cour d’appel de Pau. Le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel invoquait une violation de l’article 469 du code civil, qui interdit au curateur de se substituer au majeur protégé pour agir en son nom, sauf si ce dernier compromet gravement ses intérêts, auquel cas le curateur peut saisir le juge pour être autorisé à accomplir seul un acte déterminé ou provoquer l’ouverture de la tutelle. Le pourvoi mettait également en avant une violation de l’article 465 du code civil, duquel il ressort que l’acte accompli par le curateur agissant seul, alors qu’il aurait dû être fait par la personne protégée agissant seule, avec assistance ou encore avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille, est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice.
Dans l’absolu, l’argument de la transgression des articles 465 et 469 du code civil pouvait prospérer. Dans la curatelle, en effet, et conformément à l’article 467, le majeur protégé ne peut, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requiert une autorisation du juge ou du conseil de famille. Les actes visés sont principalement, et en application de l’article 505, les actes de disposition desquels participent certainement les transactions conclues pour mettre fin à une procédure initialement intentée en vue d’obtenir un partage judiciaire de succession. Un tel acte devant donc être réalisé par le majeur protégé assisté du curateur, ce dernier ne pouvait en principe le conclure seul pour le compte du majeur protégé.
La première chambre civile ne s’est toutefois pas placée sur ce terrain pour examiner le moyen et a procédé à une substitution de motifs pour rejeter le pourvoi, en statuant par rapport à la question de la qualité à agir en nullité sur le fondement de l’article 465 du code civil. Ainsi a-t-elle jugé que l’action en nullité de droit des actes passés postérieurement au jugement d’ouverture par le majeur placé sous curatelle ou son curateur ne peut, le cas du curateur autorisé par le juge à agir seul mis à part, être exercée que par le majeur protégé lui-même assisté du curateur si l’action est mise en oeuvre pendant la durée de la curatelle, par le majeur protégé si l’action est intentée après la mainlevée de la mesure de protection et enfin par les héritiers de cette personne si l’action a lieu postérieurement à son décès.
Il ressort de cette interprétation, qui tend à limiter la vigueur de la protection, que le conjoint qui n’a pas été désigné en qualité de curateur n’a pas qualité à agir sur le fondement de l’article 465 du code civil pour obtenir, du vivant du majeur protégé, la nullité d’un acte conclu par le tuteur ou par le curateur agissant seul alors que cet acte aurait dû être réalisé par la personne protégée agissant seule ou avec assistance ou aurait dû être accompli avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille. Elle peut cependant s’expliquer par la nature d’action en nullité relative de l’action de l’article 465, nature qui doit cantonner la qualité à agir aux seules parties à l’acte litigieux ou à la personne en charge de la mesure de protection lorsqu’une telle mesure existe.