L’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s’apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report.
Rompant avec sa jurisprudence et se positionnant au-delà des termes du code de commerce, la chambre commerciale consacre l’unité de la date de cessation des paiements. Désormais, celle-ci, qu’il s’agisse de délimiter la période suspecte ou de prononcer une sanction personnelle ou pécuniaire contre le dirigeant, ne saurait s’écarter de la date que le tribunal a fixée dans le jugement d’ouverture ou, le cas échéant, dans un jugement de report, dans la limite donc de dix-huit mois en amont de la date du jugement d’ouverture.
Quant à l’interdiction de gérer, rien de nouveau. La Cour avait déjà jugé qu’« il résulte des dispositions des articles L. 653-8, alinéa 3, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et R. 653-1, alinéa 2, du code de commerce que, pour sanctionner par l’interdiction de gérer le dirigeant de la société débitrice qui n’a pas déclaré la cessation des paiements de celle-ci dans le délai légal, la date de la cessation des paiements à retenir ne peut être différente de celle fi xée par le jugement d’ouverture de la
procédure collective ou un jugement de report ». Elle en avait déduit que le dirigeant a un intérêt personnel à contester la décision de report de la date de cessation des paiements. La règle ne posait, là, pas de problème, en ce qu’elle découlait de cet article R. 653-1, aux termes duquel : « pour l’application de l’article R. 653-8, la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de celle retenue en application de l’article L. 631-8 ».
Quant à la responsabilité pour insuffi sance d’actif, la situation se présentait tout autrement. Aucun texte analogue à l’article R. 653-1 n’existait. Une telle disposition n’était d’ailleurs pas concevable, puisque l’article L. 651-2, siège de cette responsabilité, à la différence de l’article L. 653-8, ne procède pas par énumération limitative de cas fautifs, mais, de manière très générale et conceptuelle, par le recours à la notion de « faute de gestion », dont l’omission de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal n’est qu’une illustration au sein d’un vaste catalogue. Difficile aussi de faire jouer extensivement l’interdiction résultant de l’article R. 653-1, en raison tant de sa formulation très précise que de sa nature seulement réglementaire.
Tant et si bien que son interprétation stricte paraissait toujours devoir s’imposer, ce qui eût autorisé la Cour de cassation à continuer à s’émanciper de la date fixée dans le jugement d’ouverture ou l’éventuel jugement de report, sous la seule condition, là aussi, de préciser le jour exact retenu comme date de cessation des paiements, conformément à sa ligne jurisprudentielle jamais démentie jusqu’ici.
Aussi, afin de se mettre à l’abri de toute critique à cet égard, la Cour a-t-elle veillé, dans le visa chapeautant l’affirmation de sa nouvelle position, à ne faire figurer que l’article L. 651-2 du code de commerce. La consécration, par cet arrêt du 4 novembre 2014, de l’unité de la date de cessation des paiements relève ainsi indiscutablement de la seule volonté de la chambre commerciale de faire évoluer sa jurisprudence.
Par cet aggiornamento sécurisant pour les dirigeants, les hauts magistrats confortent leur oeuvre d’encadrement de l’action en comblement de passif, laquelle contribue largement, aux yeux du Conseil constitutionnel, à justifier la constitutionnalité, récemment déclarée, du texte.
Reste maintenant à voir si la chambre criminelle, à son tour, quand elle sera amenée à statuer en matière de banqueroute, renoncera au pouvoir qu’elle s’est arrogé, en vertu de l’autonomie du droit pénal, de retenir une date de cessation des paiements autre que celle fixée par la juridiction consulaire.