Dans cet arrêt du 14 janvier 2016, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) confirme sa position, sous l’angle de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en matière d’annulation de reconnaissance de paternité.
Florence et Jacques M. sont des ressortissants français résidant à Dubaï. Leur divorce est prononcé en juin 1996 et Florence M. accouche d’Aloïs M. en août 1996. Celui-ci est déclaré sous le nom de sa mère. En septembre 1997, Jacques M. reconnaît l’enfant et le couple se remarie en octobre 2003, ce qui légitime l’enfant. Le 22 février 2005, Monsieur G. saisit le tribunal de grande instance de Nanterre pour contester la reconnaissance
de paternité par Jacques M., afin de se voir reconnaître la paternité naturelle. Par jugement du 10 février 2006, le tribunal retient que l’enfant étant né plus de trois cents jours après la séparation de Florence et Jacques M., la présomption légale de paternité de ce dernier doit être écartée. Le tribunal relève qu’il n’est pas contesté qu’à l’époque de la conception de l’enfant, Monsieur G. entretenait des relations intimes avec Florence M. et que de nombreux témoignages attestent qu’ils ont vécu maritalement et que l’enfant était connu comme étant leur enfant commun. Le tribunal en déduit qu’Aloïs M. n’a pas eu la possession d’état continue d’enfant légitime de Florence et Jacques M. et que l’intérêt primordial de l’enfant est de connaître la vérité sur ses origines. Il ordonne en outre une expertise génétique et, le 16 mai 2008, annule la reconnaissance de paternité, dit que l’enfant reprendra le nom de sa mère, que Monsieur G. est le père et que ce fait devra être transcrit sur l’acte de naissance. La cour d’appel de Versailles confirme ce jugement, conduisant les époux M. à se pourvoir en cassation. La Cour de cassation rejette cependant leur pourvoi.
Devant la Cour de Strasbourg, les époux font valoir que les décisions des juges français ont porté une atteinte disproportionnée à l’intérêt supérieur de l’enfant, ce dernier ayant droit à une stabilité affective, dès lors qu’il vivait depuis toujours avec celui qui l’avait élevé et qu’il considérait comme son père.
En réponse à cet argument, la Cour européenne confirme néanmoins sa position établie dans les arrêts Mennesson c. France et Labassée c. France du 26 juin 2014, aux termes desquels il est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme d’interdire totalement l’établissement du lien de filiation entre un père et ses enfants biologiques nés d’une gestation pour autrui à l’étranger. Auparavant, dans une jurisprudence constante illustrée par l’arrêt Burghartz c. Suisse du 22 février 1994, elle avait du reste déjà considéré que le nom d’une personne concerne directement sa vie privée et familiale.
Aussi rappelle-t-elle, dans la présente affaire, que les Etats ont une large marge d’appréciation lorsqu’il s’agit de rechercher un équilibre entre les droits des personnes, l’intérêt supérieur de l’enfant devant toutefois primer dès lors que la situation de ce dernier est en cause. Or, en estimant ici que cet intérêt supérieur « se trouvait moins dans le maintien de la filiation établie par la reconnaissance de paternité effectuée par [Jacques M.] que dans l’établissement de sa filiation réelle – ce en quoi son intérêt rejoignait en partie celui de [Monsieur G.] –, les juridictions internes n’ont pas excédé la marge d’appréciation dont elles disposaient ».
Ces juridictions n’ont donc aucunement violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.