Conséquences du défaut d’actions de formation professionnelle
Le manquement de l’employeur à l’obligation de formation prévue par l’article L. 1225-59 du code du travail ne constitue pas à lui seul une discrimination illicite ni ne caractérise une violation d’une liberté fondamentale.
Le droit à la formation professionnelle fait une fois de plus l’objet d’une intense actualité. En effet, la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale comporte un certain nombre de mesures relatives à la formation professionnelle faisant suite à l’adoption du projet de loi relatif à la formation professionnelle inspiré de l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013. Désormais, l’article
L. 6315-1 du code du travail dispose qu’à « l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi », qui ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Cet entretien professionnel, « qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité, d’un congé parental d’éducation, d’un congé de soutien familial, d’un congé d’adoption, d’un congé sabbatique, d’une période de mobilité volontaire sécurisée mentionnée à l’article
L. 1222-12, d’une période d’activité à temps partiel au sens de l’article L. 1225-47 du présent code, d’un arrêt longue maladie prévu à l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale ou à l’issue d’un mandat syndical ». Ainsi, la lettre du texte au sujet de l’action de formation professionnelle à la suite d’un congé devient impérative. Dès lors, l’article L. 1225-59 du code du travail, qui dispose que « le salarié reprenant son activité initiale bénéficie d’un droit à une action de formation professionnelle, notamment en cas de changement de techniques ou de méthodes de travail », doit se combiner avec l’article L. 6315-1 du code du travail. Dans ces deux arrêts du 5 mars 2014, la Cour devait se pencher sur les conséquences du manquement de l’employeur à son obligation de faire bénéficier les salariés d’une action de formation professionnelle dans les cas visés à l’article L. 1225-59 du code du travail.
Dans la première espèce (n° 12-27.701), une danseuse avait été engagée dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée d’usage qui se sont succédé sur une période de plus de dix années. Puis, à l’issue d’un congé parental, la salariée n’est pas réengagée. Elle saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la requalification des contrats d’usage en un contrat à durée indéterminée et des dommages-intérêts pour discrimination. Les juges du fond condamnent l’employeur à lui payer des dommages-intérêts pour discrimination au seul motif que l’employeur subordonnait la poursuite du contrat de travail à un état physique et esthétique, sans justifier en l’espèce d’un quelconque programme d’aide et de soutien pour permettre à la salariée de retrouver des capacités optimales. La Cour de cassation censure néanmoins cette position en considérant que « le manquement de l’employeur à l’obligation de formation prévue par l’article L. 1225-59 du code du travail ne constitue pas à lui seul une discrimination illicite ».
Dans la seconde espèce rapportée (n° 11-14.426), la Cour devait répondre à la question de savoir si l’insuffisance d’actions en formation est de nature à constituer une violation d’une liberté fondamentale. Une salariée au terme de différents congés, dont en dernier lieu un congé parental d’éducation, a repris le travail le 22 octobre 2007. Le 21 décembre 2007, elle est licenciée pour insuffisance professionnelle et comportement inadapté. Contestant la rupture de son contrat de travail, la salariée saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail. Les juges du fond retiennent que l’insuffisance professionnelle reprochée à la salariée, après douze jours de travail effectif et une interruption professionnelle quasi continue de plus de onze années, s’explique par l’indigence de la formation professionnelle qui lui a été dispensée pendant cette période de reprise de douze jours qui était censée lui permettre de faire face aux changements de techniques et des méthodes de travail. Par conséquent, considérant que le licenciement est intervenu en violation de l’article L. 1225-59 du code du travail et du droit fondamental à la formation de tout salarié, les juges du fond déclarent le licenciement nul. La Cour de cassation censure néanmoins cette position au motif, d’une part, que « le juge ne peut, en l’absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d’une liberté fondamentale, annuler le licenciement ». Cette solution s’inscrit dans le sillage de décisions antérieures. La Cour rappelle ainsi le principe « pas de nullité sans texte ». D’autre part, la Cour est venue préciser que « la méconnaissance par l’employeur du droit au salarié à une action de formation professionnelle prévu par l’article L. 1225-59 du code du travail ne caractérise par la violation d’une liberté fondamentale ». Cette position ne manquera pas d’être discutée en doctrine, notamment à l’aune de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui dispose en son article 14 que « toute personne a droit à l’éducation, ainsi qu’à l’accès à la formation professionnelle et continue ».