Un testament non daté est valable s’il est possible de reconstituer, à partir d’éléments intrinsèques à celui-ci, la période au cours de laquelle il a été rédigé.
L’article 970 du code civil dispose que « le testament olographe ne sera point valable s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n’est assujetti à aucune autre forme ». Écrit de la main du testateur, et signé par lui, le testament olographe doit en plus être daté. Le testament dépourvu de date est donc nul en la forme (C. civ., art. 1001). Celle-ci repose sur trois composantes – le jour, le mois et l’année – et sa fonction est double : elle permet de vérifier la capacité et l’absence de trouble mental du disposant au jour de l’acte et de s’assurer de l’absence de révocation du testament. La jurisprudence a toutefois atténué la rigueur de cette règle, ce dont l’arrêt présenté est une nouvelle illustration.
Une personne rédige deux testaments successifs. Après avoir désigné, dans un premier testament du 22 avril 1985, une personne en tant que légataire, elle en désigne une autre, son aide ménagère, en cette qualité dans un second testament qui n’est pas daté. Elle décède le 9 janvier 2008 en laissant un fils. La première légataire conteste le second testament. Dans un arrêt du 18 décembre 2012, la cour d’appel d’Agen déclare ce dernier valable et considère qu’il a révoqué toutes les dispositions précédentes. Un pourvoi en cassation est formé par la légataire évincée et rejeté par la Cour de cassation.
Celle-ci estime qu’il « n’y avait pas lieu de prononcer la nullité du testament en raison de son absence de date ». Ce faisant, elle approuve le raisonnement de la cour d’appel qui s’est fondée sur un élément intrinsèque à l’acte à savoir la désignation dans le testament du bénéficiaire, puis sur un élément extrinsèque – les fonctions d’aide ménagère exercées par le gratifié auprès du disposant – pour déduire la période pendant laquelle il a été rédigé, entre juin 2001 et janvier 2008. De plus, elle relève qu’aucun élément n’établissait l’insanité d’esprit ou la perte de discernement de la testatrice à cette époque qui pouvait, au contraire, s’inférer de la rédaction même du testament. Enfin, elle précise qu’aucune révocation du testament n’était intervenue.
Il apparaît donc qu’un testament non expressément daté peut, si certaines conditions sont réunies, être valable. Pour cela, la période pendant laquelle cet acte de disposition a été fait doit pouvoir être reconstituée à partir d’éléments intrinsèques au testament éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques. De plus, au cours de cette période, le disposant ne doit pas avoir été atteint de troubles mentaux qui pourraient être caractérisés à partir du contenu de l’acte et aucune révocation de celui-ci ne doit être intervenue.
Cette solution est apparemment en contrariété avec la lettre de l’article 970 du code civil. La Cour de cassation a toutefois admis (notamment dans un arrêt du 24 juin 1952) que la date du testament pouvait être reconstituée à partir d’éléments intrinsèques de l’acte éventuellement complétés à partir d’éléments extrinsèques à celui-ci. Par la suite, elle a admis que la date du testament est indifférente et que la reconstitution de celle-ci n’est pas nécessaire à la condition de l’absence de révocation ou de l’existence d’autres dispositions testamentaires. Mêlant ces deux approches, elle a finalement admis la validité d’un testament pour lequel le quantième du mois faisait défaut en reconstituant non pas une date mais une période au cours de laquelle il avait pu être rédigé et cela à la condition de l’absence de révocation et d’affaiblissement du discernement du disposant au cours de celle-ci. Postérieurement, la Cour de cassation valida un testament pour lequel une période de rédaction de dix mois avait été reconstituée.
L’arrêt présenté s’inscrit pleinement dans cette évolution jurisprudentielle en combinant les théories de la reconstitution de la date et de la date indifférente. En cela, il participe au mouvement d’assouplissement du formalisme testamentaire. Les faits de l’arrêt donnent cependant à celui-ci une résonnance toute particulière. En effet, l’élément intrinsèque de l’acte sur lequel la Cour s’appuie pour reconstituer la date est l’identité du légataire, ce qui est bien mince. De plus, la déduction de la période de rédaction du testament à partir des fonctions exercées par le bénéficiaire ne donne pas la certitude que le disposant et ce dernier ne se connaissaient pas antérieurement et donc que le testament est plus ancien. Cela, d’autant plus que la période de rédaction s’écoule sur plusieurs années alors qu’elle faisait l’objet d’approche beaucoup plus réduite antérieurement.
Pour conclure, rappelons que l’aide-ménagère n’est pas soumise à l’incapacité de recevoir de l’article 909 du code civil, comme l’a déjà précisé la Haute juridiction ; sur ce terrain non plus, la première gratifiée en date n’aurait donc pas pu obtenir satisfaction.